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26 Décembre 2015 , Rédigé par jeanfrancoiscocteau

Ces questions font suite à une intervention dans un lycée en classe littéraire.

Avez-vous baigné dans un milieu littéraire quand vous étiez jeune ?

Je n’ai pas baigné dans un milieu littéraire. Toutefois ma mère était une grande lectrice. Mon père qui ne lisait pas me disait d’aller dans ma chambre pour lire. Ces lectures sont devenues le terreau de ma création.

Pourquoi avez-vous choisi d’écrire des poèmes et non des romans par exemple ?

Je n’ai pas choisi. J’ai essayé d’écrire des nouvelles. Le résultat n’était pas satisfaisant. Pour le roman, il me faudrait être un marathonien des mots et je préfère le sprint…La poésie me convient, parce qu’elle me concentre.

Vivez-vous de votre art ?

Pas du tout et je ne le souhaite pas. Mes droits d’auteur sont intégralement reversés à des associations.

Ecrivez-vous d’un jet ou retravaillez-vous beaucoup vos poèmes ?

Je retravaille beaucoup mes textes, car je suis rarement satisfait de mes mots. Le premier jet est souvent lié au premier vers.

Votre inspiration vous vient-elle spontanément ou naît-elle d’une réflexion?

Les deux. La lecture est très souvent mon inspiratrice.

Quelles sont vos sources d’inspiration ?

Le silence, l’amour, la mort, la condition humaine, Dieu...

Avez-vous une muse ?

Mon épouse. J’ai fait sa rencontre grâce à mes poèmes. Dans la mythologie grecque, les muses sont les filles de Zeus et Mnémosyne. Elles servent d’intermédiaires entre les artistes et les dieux. Je crois qu’une muse s’amuse à me connecter avec le ciel.

Ecrivez-vous pour vous ou pour les autres ?

J’ai toujours dit que j’écrivais pour les lecteurs, mais le fait que je continue à écrire à cette époque où les lecteurs ont disparu prouve irréfutablement que j’écris pour moi-même, comme le dit Adolfo Bioy Casares. En France, il faut pouvoir être rangé dans une catégorie. La mienne est la poésie mystique. Ce mot, qui évoque l’au-delà, le mystère, fait pourtant peur.

Avez-vous besoin d’un environnement particulier pour écrire ?

J’écris partout, sur un carnet. J’en utilise un par recueil. Rarement à mon bureau et souvent dans les transports en commun. J’écris également la nuit : cinq heures de sommeil me suffisent.

Travaillez-vous la musicalité de vos poèmes ?

J’y suis obligé. La musicalité est inhérente au mot. Elle est un support dans le poème.

Attachez-vous de l’importance à la forme ?

Parfois, mais elle ne guide pas la finalité du poème.

Qu’est-ce qui vous a plu et qu’est-ce qui vous plaît le plus dans la pratique de votre art ?

D’être libre avec l’outil de création. Je n’ai besoin que de ma mémoire.

Avez-vous eu un mentor?

Je n’ai pas de mentor, de personne qui me soutienne et me guide. Mais j’ai des poètes bienveillants qui lisent mes manuscrits avant publication pour me donner un avis. Ils savent faire un commentaire sans blesser.

Certaines œuvres poétiques vous ont-elles marqué et influencé ?

Des œuvres qui m’ont influencé : presque toute l’œuvre de Roberto Juarroz, l’œuvre d’Emily Dickinson, de Walt Withman et de beaucoup d’autres. Des œuvres qui m’ont marqué…peut-être plus certains poèmes que des œuvres : le poème introductif de l’autobiographie Si c’est un homme de Primo Levi, « les Bijoux » de Charles Baudelaire, « Rappelle-toi Barbara » de Prévert, « Mignonne, allons voir si la rose » de Ronsard, « Etat de siège » de Mahmoud Darwich, « J’accuse » de Jean Cayrol…la liste est longue.

Quels sont vos poètes favoris?

Roberto Juarroz, César Vallejo, Mahmoud Darwich, Georges Perros, Jean Grosjean, Jean-Pierre Lemaire…

A quelle poésie êtes-vous le plus sensible ?

Celle qui me prend la main et le cœur. La poésie qui n’est pas hermétique à la première lecture. Pour qu’elle me touche, il faut qu’elle établisse un lien entre mon expérience et l’imaginaire du poème.

Quelle conception avez-vous de la poésie ? Quelle définition en donneriez-vous ?

Un espace libre pour un homme libre. La poésie est une chose si intime qu’on n’aime pas en parler, pas plus qu’un croyant ne parle de Dieu…

Quelle définition donneriez-vous d’un artiste ? et d’un poète ?

Un artiste est une personne qui n’a jamais oublié son enfance et qui refuse d’avoir une vérité absolue. Le poète doit faire déteindre sa création sur son mode de vie. On vit poète. Comme pour le philosophe, on est tout le temps poète, c'est une façon de vivre et de voir l'avenir.

Selon vous, quelle place et quel rôle a le poète dans notre société ?

Le poète est un homme nécessaire et inutile. C’est l’individu qui se donne un rôle, pas le poète. La société n’attend rien du poète. Donner un rôle au poète, c’est lui accorder trop d’importance. Le poète aiguillonne le Temps. Il essaie d’entrevoir le monde autrement et de le rendre accessible avec une certaine pureté.

Vos poèmes sont-ils engagés? Si oui, dans quel domaine ?

Je ne peux pas dire que mes poèmes soient engagés. Je suis très éloigné de la poésie d’un Aimé Césaire, d’un Edouard Glissant ou de Maïakovski. Certains de mes poèmes sont des photographies sur des instants que je considère importants pour l’humain.

Cela vous est-il arrivé de vous autocensurer ?

Jamais pour le contenu.

Aux siècles précédents, il existait des courants artistiques. En ce début du XXIe siècle, en existe-t-il ?

Nous vivons une époque qui ne crée plus de grands courants artistiques. Nous nous associons sur des projets. Toutefois, j’ai entendu parler du transréalisme comme un courant du XXIe siècle.

Vous sentez-vous seul dans la pratique de votre art ou appartenant à une communauté de poètes ?

J’appartiens à la communauté des poètes « mystiques », ceux qui travaillent le mystère.

Sartre écrit à la fin de son autobiographie Les Mots « nulla dies sine linea » (aucun jour sans écrire une ligne). Ecrivez-vous des poèmes quotidiennement ?

Balzac l’avait écrit avant lui. Non, je n’écris pas quotidiennement mais j’y pense quotidiennement. J’écris par cycles. Entre deux recueils, il y a un blanc qui peut durer un an.

Avez-vous un thème qui vous obsède et qui est récurrent dans votre poésie?

Un seul thème…Je ne peux pas dire qu’un thème m’obsède, néanmoins il y a des thèmes récurrents dans mes poèmes, sans que j’en sois forcément conscient lors de l’acte créatif.

Certains de vos poèmes sont-ils des réécritures d’autres poèmes (comme La Fontaine qui a réécrit les fables d’Esope et de Phèdre) ?

Non, pas consciemment. Wittgenstein soulignait que tout avait déjà été écrit et que les modernes ne pouvaient plus que reformuler.

Avez-vous un projet poétique qui vous tienne à cœur et que vous comptez réaliser dans les années à venir ?

Ecrire un long poème sur l’écriture ou une correspondance imaginaire sur la poésie (ex : Lettres à un jeune poète de Rilke)

Quelles sont vos autres passions ?

La lecture, le droit, la peinture…

Pour quelle raison avez-vous choisi de vivre dans votre ville ?

Choisit-on de vivre à un endroit ? J’ai grandi au Perreux et je me suis promis d’y habiter avec ma famille. J’ai eu de la chance que ce rêve se réalise. J’aime cette ville car elle a peu changé. En me promenant, je peux dire à la manière de Perec : « je me souviens ».

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